08 août 2009

Le Capriccio de Stravinsky par Carlos Roque Alsina et Ernest Bour


Avec une femme, quatre enfants, et une maîtresse à nourrir, sans compter des goûts de luxe, Igor Stravinsky était toujours à court d'argent. Installé sur la Côte d'Azur dans les années vingt, il avait donc entrepris d'ajouter aux revenus du compositeur, d'abord ceux du chef d'orchestre, puis ceux du pianiste.
Sans aller toutefois jusqu'à imiter la pratique du XVIIIème siècle, quand Mozart dirigeait ses concertos du piano.
Il commença par transcrire pour piano mécanique (le Pleyela de la maison Pleyel) les ballets qui avaient fait sa gloire.
Bon pianiste lui-même, il en enregistra certains sur les rouleaux perforés, soucieux d'utiliser toujours la technologie de pointe pour laisser une référence d'interprétation de son œuvre. Cependant, ces rouleaux ne sont pas ceux des pianos mécaniques de western, qui jouent tous seuls à la première bagarre de saloon, ils nécessitent l'intervention humaine, pour le rubato, les nuances, la dynamique.
Dès que l'enregistrement électrique remplaça l'enregistrement acoustique (celui où tous les musiciens jouent devant un grand cornet), Stravinsky signa un contrat avec "la grande Compagnie du Gramophone Columbia, pour enregistrer exclusivement mon œuvre, tant comme pianiste que comme chef, année après année. Ce travail m'intéressa beaucoup, car, beaucoup mieux qu'avec les rouleaux perforés, j'étais à même d'exprimer toutes mes intentions avec une réelle exactitude. En conséquence, ces disques, techniquement excellents, ont l'importance de documents qui peuvent servir de guides à tous les exécutants de ma musique. Malheureusement, très peu de chefs en profitent."
Curieusement, il a continué à tenir ce discours au fil de ses ré-enregistrements des mêmes œuvres, au fur et à mesure de l'évolution de la technique, jusqu'à son intégrale en stéréo des années 60, un demi-siècle après la création de ses grands ballets d'avant 14.
Le chef d'orchestre Koussevitzky lui ayant suggéré de créer lui-même son concerto pour piano et instruments à vents de 1925, Stravinsky se remit donc au piano, pratiquant avec délices les études de Czerny. Jouer avec un orchestre n'est en effet pas la même chose qu'enregistrer en studio des bandes de piano mécanique...
Malgré le trac, il semble avoir pris du plaisir à tourner en Europe et aux Etats-Unis, avec les chefs les plus célèbres pour l'accompagner.
"J'ai travaillé à mon Capriccio tout l'été (1929, à Echarvines, en Savoie) et l'ai terminé à la fin Septembre. Je l'ai joué pour la première fois le 6 Décembre à un concert de l'Orchestre Symphonique de Paris, sous la direction d'Ansermet. On m'avait si souvent demandé toutes ces dernières années de jouer mon concerto pour piano et instruments à vents (ce que j'avais fait une bonne quarantaine de fois), que je pensais qu'il était temps de donner au public une autre œuvre pour piano et orchestre. (Trop aimable, Maitre!)
C'est pourquoi j'écrivis un autre concerto, que j'ai appelé Capriccio, car il me semblait que ce nom convenait le mieux au caractère de la musique. J'avais à l'esprit la définition de Praetorius, qui en faisait un synonyme de fantaisie, c'est-à-dire une forme libre faite de passages instrumentaux fugués. Cette forme me permettait de développer ma musique par juxtaposition d'épisodes variés se faisant suite et de par leur propre nature donnant à la pièce cet aspect de caprice qui lui donne son nom"
.
Le retour au classicisme amorcé depuis quelques années déjà, ce concerto se place sous le double parrainage de Carl Maria von Weber et de Jean Sébastien Bach. Le romantisme et le baroque allemands. Rien de classique au sens de style musical.
Weber, que Stravinsky avait connu d'abord par le Freischutz, (dirigé à Prague par Alexander von Zemlinsky, le beau-frère de Schönberg) et qu'il admirait fort, connaissant toute son œuvre pianistique, et dont il disait que les sonates l'avaient envoûté pendant l'écriture du Capriccio, allant jusqu'à lui fournir, outre le titre, une formule rythmique particulière. Bach, pour l'atmosphère que donnent les bois surtout dans le second mouvement, et les canons un peu partout. Le staccato bien détaché de certains passages, sans pédale, pourrait aussi bien être joué au clavecin.
Stravinsky enregistra avec Ansermet et l'orchestre Straram le Capriccio dès l'année suivante.
Ici, c'est une version de concert, le 12 novembre 1975, Ernest Bour dirige l'Orchestre Philharmonique de Radio France et accompagne Carlos Roque Alsina.


I. Presto
II. Andante Rapsodico
III. Allegro Capriccioso

Le Capriccio en mp3

L'illustration est une gouache exécutée spécialement pour ce billet par un artiste de 20 ans, François Brasdefer.
Elle s'intitule "Ils disent que le diable est dans les détails".


1 commentaire:

  1. Merci. Merci pour la peinture. Pas encore écouté mais dis "oui" devant le juge dernier. Ca compense déjà que je vais pas les entendre les OPRF. Par contre ça va peut-être m'éloigner de mes "semblables" et "vrais" d'ici. C'est pas aussi simple que de trouver ce que vous rendez trouvable.

    D'ailleurs je m'injecte du Schubert de Maready en même temps.

    Attention le spectre d'Igor va vous hanter.

    Vous allez finir par me faire aimer la peinture. Donc c'est pas fini l'art?

    Bon 5 fructidor (enfin 5, c'est le calendrier de la semaine de Blanche neige non?).

    Mais la musique va du coeur au coeur, disait IL. Le mien est couard. J'ai envie de le battre.
    Excusez ce langage sans droits. Merci de votre charité sans laquelle je suis moins que rien.
    Continuez svp

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