06 janvier 2010

La deuxième symphonie d'Honegger par Ernest Bour



Hiver 1940-1941. Hiver de guerre, hiver dur, qui rajoute au malheur de la défaite la souffrance du froid. C'est le moment que choisit Honegger, Suisse installé à Paris et décidant d'y subir l'occupation avec les parisiens, pour honorer une commande de Paul Sacher (de 1936!): une symphonie pour le dixième anniversaire de son orchestre de chambre de Bâle.


Il l'écrit pour cordes seules. Comme beaucoup de compositeurs à qui Sacher a commandé des œuvres, bien que l'orchestre, créé pour interpréter la musique baroque, ait, je suppose, compté aussi des vents, des bois et des percussions.
Trois mouvements au lieu des quatre "classiques". N'étant ni Mahler ni Chostakovitch, Honegger a supprimé le scherzo, pas envie de rigoler ni de grincer.
(Ceci dit, il l'a supprimé de ses cinq symphonies, il n'avait apparemment pas envie de rigoler dans ses symphonies).

C'est âpre, c'est sombre, c'est intense, désolé, plaintif et vigoureux à la fois, ça rumine, toujours sur un fond ondulant, jusqu'au dernier mouvement, qui s'agite, en longues phrases, une mer de vagues qui fluent et refluent, ça voudrait avancer, mais on sent que quelque chose l'en empêche, jusqu'à ce que soudain vole au dessus de ces cordes une longue mélodie de trompette, aux notes égales, forte, qui entraîne l'orchestre à cisailler les accords finaux.
Ad libitum, dit le compositeur, ce qui est incompréhensible, on ne peut imaginer la symphonie s'achever sans ce choral qui l'empoigne et la soulève. Il signifie l'espoir de vivre autre chose, oui, certainement, mais dans cet enregistrement, fait onze ans après la fin de la guerre, la trompette n'est pas triomphante. Elle montre juste qu'autre chose est possible. Sa mélodie se rapproche, dans mon souvenir, de celle de la "Danse des morts" qu'Honegger écrivit quelques années plus tôt, quand la voix chante "Je sais que mon rédempteur vit".
Honegger se fit envoyer par la revue Comoedia à Vienne couvrir le festival Mozart, et en profita pour faire passer le manuscrit à Paul Sacher. Qui créa l'œuvre le 18 mai 1942. En France, c'est Charles Munch, lui aussi de longue date soutien du compositeur, qui en donna la première audition le 25 juin à Paris, lors du festival organisé pour les 50 ans d'Arthur. Et l'enregistrera aussitôt. Il en fera trois autres enregistrements en 33 tours.
- Et que l'on ne vienne pas me dire qu'Antoine Duhamel ne l'a pas écoutée avant d'écrire la musique de Pierrot le fou!


Cette version est celle enregistrée par Ernest Bour, à la tête de l'Orchestre du Südwestfunk de Baden-Baden, en février 1956.

L'illustration en haut de la page,
"Un coin de ciel couleur espoir",  a été peinte spécialement pour ce billet par Fabrice Sergent.