Hiver 1940-1941. Hiver de guerre, hiver dur, qui rajoute au malheur de la défaite la souffrance du froid. C'est le moment que choisit Honegger, Suisse installé à Paris et décidant d'y subir l'occupation avec les parisiens, pour honorer une commande de Paul Sacher (de 1936!): une symphonie pour le dixième anniversaire de son orchestre de chambre de Bâle.
Il l'écrit pour cordes seules. Comme beaucoup de compositeurs à qui Sacher a commandé des œuvres, bien que l'orchestre, créé pour interpréter la musique baroque, ait, je suppose, compté aussi des vents, des bois et des percussions.
Trois mouvements au lieu des quatre "classiques". N'étant ni Mahler ni Chostakovitch, Honegger a supprimé le scherzo, pas envie de rigoler ni de grincer.
(Ceci dit, il l'a supprimé de ses cinq symphonies, il n'avait apparemment pas envie de rigoler dans ses symphonies).
C'est âpre, c'est sombre, c'est intense, désolé, plaintif et vigoureux à la fois, ça rumine, toujours sur un fond ondulant, jusqu'au dernier mouvement, qui s'agite, en longues phrases, une mer de vagues qui fluent et refluent, ça voudrait avancer, mais on sent que quelque chose l'en empêche, jusqu'à ce que soudain vole au dessus de ces cordes une longue mélodie de trompette, aux notes égales, forte, qui entraîne l'orchestre à cisailler les accords finaux.
Ad libitum, dit le compositeur, ce qui est incompréhensible, on ne peut imaginer la symphonie s'achever sans ce choral qui l'empoigne et la soulève. Il signifie l'espoir de vivre autre chose, oui, certainement, mais dans cet enregistrement, fait onze ans après la fin de la guerre, la trompette n'est pas triomphante. Elle montre juste qu'autre chose est possible. Sa mélodie se rapproche, dans mon souvenir, de celle de la "Danse des morts" qu'Honegger écrivit quelques années plus tôt, quand la voix chante "Je sais que mon rédempteur vit".
Honegger se fit envoyer par la revue Comoedia à Vienne couvrir le festival Mozart, et en profita pour faire passer le manuscrit à Paul Sacher. Qui créa l'œuvre le 18 mai 1942. En France, c'est Charles Munch, lui aussi de longue date soutien du compositeur, qui en donna la première audition le 25 juin à Paris, lors du festival organisé pour les 50 ans d'Arthur. Et l'enregistrera aussitôt. Il en fera trois autres enregistrements en 33 tours.
- Et que l'on ne vienne pas me dire qu'Antoine Duhamel ne l'a pas écoutée avant d'écrire la musique de Pierrot le fou!
Cette version est celle enregistrée par Ernest Bour, à la tête de l'Orchestre du Südwestfunk de Baden-Baden, en février 1956.
L'illustration en haut de la page,
"Un coin de ciel couleur espoir", a été peinte spécialement pour ce billet par Fabrice Sergent.
Merci! Cet enregistrement vraiment donne une forte impression de la realité de la guerre, qui n'étiat pas tellement loin, à l'époque!
RépondreSupprimerRonán (un voisin, à ceolnasidhe.blogspot.com)
Bonjour voisin!
RépondreSupprimerUn orchestre allemand, l'Allemagne en ruines, un chef lorrain, onze ans seulement, oui, ils savaient bien tous de quoi ils parlaient.
Et même si je en l'ai pas réécouté récemment, il me semble très différent de celui de la création française, d'époque, elle.
Yes --- this is the recording I love so much and your transfer and photos and essay are very, very good!
RépondreSupprimerThank you again for this beautiful recording!
Toujours excessif, Maready, mais... merci quand même!
RépondreSupprimerLes enregistrements de ce si grand chef (qui n'excellait pas seulement dans les musiques 'contemporaines'!!!)n'étant pas légion, mille mercis à vous pour cette riche publication.
RépondreSupprimerJe dois bien en avoir encore quelques uns sous le coude, mais chut.....
RépondreSupprimerchut mais........chouette !!!!
RépondreSupprimerJe suppose que vous avez déjà repéré http://lesparolesgelees.blogspot.com/2009/08/le-capriccio-de-stravinsky-par-carlos.html
RépondreSupprimeret
http://lesparolesgelees.blogspot.com/2009/02/un-songe-dune-nuit-de-la-saint-jean.html
ainsi que:
http://highponytail.blogspot.com/2009/08/ernst-bour-conducts-lenfant-et-les.html chez le collègue à la queue de cheval.
oui, tout à fait. Merci !
RépondreSupprimerLe concert d'adieu de Bour au Sudwestfunk comprenait -en référence- la si belle symphonie de Dukas, version dynamique et contrastée surclassant bon nombre d'enregistrements studio !
De plus,un si bel hommage à ce compositeur aussi exigeant que Bour en tant que chef.
C'est assez comique... je suis très amie avec son neveu, orpailleur ...Quelle étonnante famille en dehors du plaisir de l'écoute.
RépondreSupprimerJ'ai, si je ne me trompe, la symphonie de Dukas par Bour, mais pas hic et nunc.
RépondreSupprimerPatience!
Dukas: est-ce l'enregistrement de ce concert? ou effectué en studio?
RépondreSupprimerHem, je ne suis pas chez moi (pas avant la fin de l'été...)De mémoire, je dirais studio, mais....
RépondreSupprimerD'autant plus passionnant !!!Vraiment à suivre......
RépondreSupprimerÉtrangement, j'avais la 3ème à l'oreille à Tenerife. Pas sûr que ce soit juste de l'acouphène. Honneger doit être fichetrement contemporain de notre monde si merveilleux.
RépondreSupprimerJe le trouve attachant et sincère.
Incapable de télécharger quoi que ce soit en ce moment, maintenez le lien please, je reviendrais. Toujours un plaisir de vous savoir là.
Fait avec succès. Merci beaucoup. C'est une oeuvre où on "entend penser" une conscience comme chez Beethoven.
RépondreSupprimerThe FLAC version has disappeared - is there any chance of re-uploading it?
RépondreSupprimerVoilà, it's back. I have no idea where it had disappeared!!!!
RépondreSupprimerAnd, almost three year later, I have found it...
RépondreSupprimerI just love this symphony, one of the 20th century's greatest. Was lucky enough to hear it live last month. What a great piece.
thanks for this,
deryk