Quand Anton von Webern écrivit ces pièces, entre 1911 et 1913, 77 mesures, 6 minutes d'après son estimation, l'époque n'était pas à la dentelle, 1913, le Sacre du printemps... Stravinsky qui écrira à la manière de Webern 40 ans plus tard, ne pouvait en être plus éloigné alors... Webern, lui, poursuit son exploration de la petite forme et du peu d'instruments. Sa dernière (et elle restera la seule) œuvre pour grand orchestre date de 5 ans plus tôt. Ces 5 pièces pour orchestre sont pour un orchestre de chambre, et encore à aucun moment tous les 18 instruments (et un arsenal de percussions) ne jouent-ils ensemble.
La klangfarbenmelodie, mélodie de timbre, s'épanouit ici: la ligne musicale, (pas une mélodie que l'on peut siffloter dans sa salle de bains), est construite d'une succession de sons émis chacun par un instrument différent, avec son timbre particulier. On entend bien une succession de hauteurs, comme dans toute phrase musicale, mais elle change de couleurs constamment. Cette manière de penser la musique entraîne d'ailleurs le compositeur à renoncer à l'écriture traditionnelle d'une partition pour orchestre, avec une ligne par instrument: les lignes seraient essentiellement vides! au contraire, il écrit sur la portée la phrase en indiquant au dessus de chaque note quel instrument la joue.
Il en résulte une musique lumineuse, moirée, séduisante et dont la radicale nouveauté ne s'est pas défraichie.
Autant il est facile d'associer la musique de Schönberg à la peinture de son temps, (surtout quand il en est lui-même l'auteur), autant la peinture qui pourrait mettre en œuvre la même approche que Webern ne naîtra que bien plus tard. L'expressionnisme autrichien ou allemand et le cubisme français sont compacts, âpres, avec peu de couleurs, et sombres. Ce qui me semble se rapprocher de l'art de Webern c'est le Kandinsky de Composition X, de 1939, avec ses lignes qui changent de couleur et s'entrecroisent.
Ou Miro, ou un mobile de Calder.
Pour mieux comprendre de quoi est tissée cette magie sonore, il faut lire l'excellente analyse de ces pièces par le compositeur Thierry Alla.
L'analyse de la troisième pièce par Pierre Boulez se trouve sur youtube.
Webern (l'usage de la particule von fut interdit en 1919) en dirigea la création le 22 juin 1926 seulement. À Zurich. En France, il fallut attendre la création par Jean Louis Barrault et Pierre Boulez des concerts du Domaine musical en 1954 pour commencer à entendre cette musique. Les cinq pièces devinrent alors un des tubes de l'orchestre, jouées 25 fois en 5 ans.
Maderna en 1965 |
Bruno Maderna dirige en 1965 l'orchestre du Domaine musical. Quand toutes les versions discographiques consultées les expédient entre 4 minutes et 4 minutes 30, il met une minute de plus. Webern estimait lui qu'elles devaient se jouer en 6 minutes.
Le son n'est pas tout le temps excellent, et il y avait dans l'enregistrement diffusé en son temps sur France Musique de nombreux bruits, probablement dûs à un micro mal posé.
Nice! But I am still dying to hear more
RépondreSupprimerInghelbrecht...
Merci pour cet excellent témoignage et votre texte toujours aussi bien documenté !!
RépondreSupprimerj'attends la suite avec impatience.............
Mind you, I checked, and Inghelbrecht does not seem to have conducted them...
RépondreSupprimerMerci! la suite, j'y pense, mais vous avez remarqué que je mets longtemps à penser.... je vais essayer d'être plus rapide...
RépondreSupprimerThanks for checking! But I meant anything conducted by Inghelbrecht in general. All I have from D.-E. is the Poulenc you posted and some Faure on EMI 2C 153-12845/6... bel album!
RépondreSupprimerBy far, the best performance of the 5 Pieces I have ever heard--far surpassing, in my opinion, those by Boulez. Maderna gives these minatures far more breathing space and thereby allows them more delicacy, depth and drama. And the lyricism is intoxicating! I mean, after all, this is beautiful music. Thanks. Is there more Maderna conducting Webern? This guy knew how to shape Webern. I can only imagine what the Symphony would sound like in his hands.
RépondreSupprimerThanks, Disco-B. --- I am really looking forward to hearing this when I get home from work!
RépondreSupprimerto David Federman ---- Yes, there is more Maderna conducting Webern, in the Concertgebouw box set (the Op 13 songs) along with Berg's Altenberg Lieder and an amazing Mendelssohn 3rd Symphony:
http://www.arkivmusic.com/classical/album.jsp?album_id=103596
It also seems like there is an Italian CD with an aircheck of the Webern 6 Pieces as well, but I don't have the details (and might be wrong!)
If you haven't heard it, don't miss Maderna's live 'Lulu' in great sound and very cheap:
http://www.amazon.com/Berg-Lulu-Original-Version-Alban/dp/B000062Y7X/ref=sr_1_1?ie=UTF8&s=music&qid=1300816543&sr=1-1
and thanks again, DiscoBole ---- this comes along at the perfect time, as I have been listening to the 5 Pieces recently and can't wait to hear Maderna's interpretation after reading your description.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
SupprimerHey Maready, by any chance, are you the one who was posting all these harpsichord great records (Blandine Verlet in particular...) on http://highponytail.blogspot.com/ ?
SupprimerI've tried to contact this blogger many times...
Romain
Note to Andrew --- I posted a transfer of Inghelbrecht conducting Rossini's Comte d'Ory here:
RépondreSupprimerhttp://highponytail.blogspot.com/search/label/D-E%20Inghelbrecht
Also included is a link to one of his several Pelleas recordings (in the same post.) I haven't checked the links recently, hope they are still working.
You can still get the Testament reissues of Inghelbrecht's Ducrotet-Thomson LPS here:
http://www.arkivmusic.com/classical/albumList.jsp?name_id1=5755&name_role1=3&bcorder=3
Discobole --- just one more thing: thank you for providing the link to the excellent musical analysis by Thierry Alla,
RépondreSupprimerThanks for all the links maready!
RépondreSupprimerTo Andrew:
RépondreSupprimerAbout Inghelbrecht, the fundamental boxset to have is:
http://www.amazon.fr/Inghelbrecht-conducts-Debussy-Pell%C3%A9as-Nocturnes/dp/B0000DET7U/ref=sr_1_3?s=music&ie=UTF8&qid=1300868918&sr=1-3
and I will eventually empty my sleeve....
David Ferderman, yes there is more Webern by Maderna! On Stradivarius. As they are as much out of print as a 78 rpm, I may publish them. And I have the Variations op 30 from a live broadcast in the making.
Maready, Thanks, as ever!
Discobole --- Yes, Maderna conducting Webern on Stradivarius ------ I'd love to hear them, and especially look forward to the live Variations Op 30. I've listened to your post of the Op 10 Pieces now many times, alongside 10 or 30 other recordings by other chefs: fascinating listening! I guess I thought I knew these "little' pieces better than I actually did. There is so much music in them! The most interesting variation between different recordings is the sound each orchestra achieves in the mandolin/cowbells/harp ostinato in the third piece. It would have been so nice to have had more studio-quality recordings from Bruno M., in particular a disc of Webern. Please forgive me for another self-advertisement, but an interesting comparison is the slightly later studio recording conducted by Gilbert Amy, also with the Domaine Musical:
RépondreSupprimerhttp://takecare-maready.blogspot.com/2010/12/serie-grande-diffusion-no-2-gilbert-amy.html
Thanks again for Paroles Gelees --- after listening to the Webern and reading your essay, I went back to one of your very first posts, the Maderna 'Jeux', and found myself relistening to the rest of your archives all over again in the order they were posted (I put New Phonic Art in a separate pile for another day!)
hey i like u blog,if you wanna make link exchange, my blog is www.clasicsound.com.. let me know
RépondreSupprimerMaready, I love Amy's recording too, and not only because it was my first "imprinting" of the op. 10...
RépondreSupprimerand I agree, the differences in the third piece are amazing, not only sound but rythm too (and Amy is very different from the others)
Listening to every thing in my blog? Good boy! everybody should do the same!
Bonjour !
RépondreSupprimerEnfin un peu de temps pour lire l'article et écouter la musique. Ouf !
Bravo pour le texte, les situations historiques, et j'aime bien la comparaison avec Kandinsky. La peinture moderne semble souvent plus accessible que la musique moderne, c'est un bon moyen de donner envie d'écouter la chose.
(à l'inverse, l'une de mes profs de musique avait comparé l'expressionnisme général des 3 trois viennois du XXème siècle au Cri de Munch... ce qui peut faire bien peu envie !)
Et l'enregistrement est vraiment délicat, merci !
Thanks to you, I discovered Maderna's sensational performance of Mahler's 9th Symphony with the BBC Symphony Orchestra. Again, the meticulous shaping and profound lyricism of his interpretation are astonishing. The final bars of the last movement reach a sublime stillness that brought tears to my eyes. He really plumbs the extremes of the music. I felt as if there was mind transmission from one composer to another.
RépondreSupprimerincroyable!!!!
RépondreSupprimermerci beaucoup!!!!
Un grand merci ! Très jolie version malgré l'acoustique un peu sèche. Il y a un tout petit accroc dans la version en mp3 (deux fois les premières notes).
RépondreSupprimerFin abrupte à souhait ! :-)
Allons bon! je vérifie ça et corrige dès que possible (c'est à dire pas avant une douzaine de jours!)
RépondreSupprimerMerci!
Merci beaucoup Discobole
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