08 août 2010

La Petite suite de Debussy par Henri Busser


« 1889 ! époque charmante où j’étais follement wagnérien. »
Et pour cause, il venait de voir l'été précédent à Bayreuth Parsifal (qui ne pouvait d'ailleurs être joué que là) et Les Maitres chanteurs de Nuremberg. (Il les reverra l'année suivante, avec en prime, Tristan). De retour, il écrit une Petite suite pour piano à quatre mains. Aucune influence de Wagner, au contraire, une suite comme à l'époque baroque, quatre morceaux, deux avec des titres "évocateurs", En bateau, et Cortège, deux avec des titres de danses, Menuet et Ballet, comme dans les Pièces pittoresques de Chabrier. Les titres pittoresques sont également des titres de poèmes des Fêtes galantes de Verlaine, l'un de ses livres de chevet, qu'il a déjà commencé à mettre en musique. Il crée la Petite suite avec son ami (et futur éditeur) Jacques Durand dans une audition privée le 1er mars 1889. La création publique eut lieu le mercredi 23 mai 1894.
Si les titres peuvent évoquer des tableaux impressionnistes, en particulier En bateau, sujet favori de Renoir et Monet entr'autres, Debussy n'appréciait pas tellement d'être catalogué lui-même d'impressionniste. Sans doute plus à cause de l'image négative qu'ils renvoyaient, de flou, d'imprécision, lui qui aimait Degas au trait si ferme.
Les premiers à écrire sur Debussy, obnubilés qu'ils étaient par Pelléas et Mélisande, dont ils avaient assisté à chacune des représentations, ne mentionnent même pas cette charmante œuvre, pourtant déjà bien debussyste.
Le compositeur Henri Busser, qui avait fait ses débuts de chef d'orchestre en dirigeant Pelléas dès la 4ème représentation, et sans partition, le créateur, André Messager devant (déjà) diriger en même temps à Covent Garden, l'orchestra en 1907.
« Cher Debussy, est-ce que vous ne me donneriez pas le droit, la permission d'orchestrer votre Petite suite?, j'ai l'orchestre dans la tête! »
« Oh!, il m'a dit, vous pouvez pas savoir le plaisir que vous me faites, je vous donne l'autorisation des deux mains! ».
C'est ainsi qu'il raconta l'histoire de cette orchestration lors d'une longue interview filmée à l'occasion de ses 100 ans.
Il l'a enregistrée deux fois, avec l'orchestre Straram le 26 mai 1931, et avec l'Orchestre national, le 17 octobre 1952. C'est cette version qui est présentée ici.
La version originale pour piano à quatre mains par le duo Robert et Gaby Casadesus a été publiée sur le blog de Problembär.

La Petite suite orchestrée et dirigée par Busser en mp3

La Petite suite orchestrée et dirigée par Busser en flac

11 juillet 2010

Le Tribun de Mauricio Kagel

Ou "la mère de toutes les harangues" comme aurait pu dire ce poète de Saddam Hussein.
Les Allemands sont embêtants à mettre des majuscules partout, Der Tribun, il faut cependant le traduire avec un T majuscule, ce Tribun là, sous sa face anonyme, c'est tous les dictateurs du monde qui non contents d'exercer le pouvoir absolu veulent encore être adulés.
Né en Argentine, Kagel a connu les Péron, Juan et Evita, de l'âge de 14 ans jusqu'à son émigration en Allemagne en 57 (Péron vient de quitter le pouvoir), une dictature populiste. Quand il écrit der Tribun, en 1978, son pays natal est entre les mains de Videla, le Chili voisin entre celles de Pinochet, la Bolivie entre celles de Banzer, le Pérou entre celles de Francisco Morales Bermudez, le Brésil entre celles d'Ernesto Geisel, le Paraguay entre celles d'Alfredo Stroessner... Que des généraux, notez bien. Je n'oublie pas Castro, mais il n'est que commandant en chef...
Nous ne savons pas si l'Orateur de Kagel est général lui aussi, c'est plus que probable, d'ailleurs il aime la musique militaire. À ceci près que cette musique là, qui intervient régulièrement au cours du discours, jouée par une clique (6 instruments à vent au choix, 2 percussions et on peut y ajouter des instruments ad lib) est tout sauf martiale. Si on la joue à part, au concert, elle s'intitule: "Dix marches pour rater la victoire". Des marches à contretemps, à tous les temps sauf deux, des marches molles, raplaplas, sans calcium. On reconnaîtra au passage les trompettes de l'ouverture Léonore de Beethoven jouées par un pipeau hésitant.
Der Tribun est une pièce radiophonique écrite pour un orateur politique, des sons de marche et des hauts parleurs. Il s'appuie sur une caractéristique commune des dictatures, le besoin de s'adresser au "peuple". Castro a ainsi prononcé en cinquante ans en moyenne deux discours par mois, et interminables.
On comprend rapidement que cet orateur ne va pas délivrer un discours politique ordinaire. Mais à quoi s'attendre d'autre avec Kagel?
Délivre-t-il seulement un discours?
On comprend rapidement à ses hésitations, à ses essais d'accentuation, à ses retours, qu'il est plutôt en train de répéter un discours. Pourtant la foule l'acclame à certains moments, et la musique joue des marches. Il semble commander le début et la fin des acclamations et de la fanfare. On devine alors que tout cela est enregistré, et qu'il démarre et arrête un magnétophone. D'où ces hauts parleurs, bizarres dans l'instrumentarium d'une pièce radiophonique, et qui sont indispensables puisqu'ils sont la vox populi.
Il cherche ses phrases et ses idées, et comme Kagel est autant l'auteur du texte que de la musique, il les combine en sériel qu'il a été. Il combine les mots plus que les idées, ce qui conduit à phrases absurdes comme "Les frontières sont ouvertes parce qu'elles sont fermées" ou "J'ai le cœur sur les lèvres et sur la main". Il introduit les nouveaux mots un à un, les combine aux précédents, essaie, retravaille, jusqu'à une phrase bien sonnante. Associations libres, oniriques, on se promène entre Freud et l'Oulipo plus que chez les surréalistes, car bien sûr, Kagel ne laisse pas le hasard intervenir dans le résultat, le grotesque du résultat servant son propos critique.
L'orateur de Kagel, dont nous ne savons rien, s'il se laisse parfois entraîner par les sonorités jusqu'à créer des mots: "Pouvoir, pleuvoir,..., plouvoir". "Je pleus pour vous..." est là pour transmettre un seul message: "Nous ne droitdelhommons pas!" "Les droitsdel'hommistes sont fatigants!" "Nous cultivons avec amour notre ignorance parce que tout le reste c'est des idées, nous ne voulons pas d'idées, je ne veux pas qu'on influence les masses!"

Ce cinéaste cinéphile de Kagel prolonge le Chaplin du Dictateur, mais là où Hynkel était grotesquement ridicule, le discours démagogique et manipulateur de l'orateur de Kagel démonte le rêve des dictateurs: le pouvoir absolu, avec une opposition exterminée ou anesthésiée.



Le fond du bouffon effraie.

L'enregistrement présenté ici est la version française jouée à Aix ou Avignon en 1980. L'orateur est un familier de l'œuvre de Kagel de ces années-là, Guillermo Gallardo, excellent. La fanfare était dirigée par un chef local. Un enregistrement de la version originale avec Kagel lui-même en orateur est disponible, de même qu'un enregistrement des 10 marches. Il ne vous manque donc rien pour monter l'œuvre chez vous.
Le musicologue Björn Heile ayant entendu/vu Kagel jouer l'Orateur à Darmstadt, commentait: "C'était magnifique. Il aurait pu devenir un acteur ou un dictateur sud-américain".

Le frontispice, comme à l'accoutumée, est de Fabrice Sergent.

Le Tribun en flac 1
Le Tribun en flac 2

Le Tribun en mp3

Or "the Mother of all speeches", like could have said this poet of Saddam Hussein.
Kagel lived under the Peron all the time he was in Argentina. When he wrote der Tribun, in 1978, every country around his birthplace was in the hands of generals, all of them very talkative.
It's the curse of "their peoples" that the dictators want their rule to be accepted on top of being suffered.
The Tribune is written for a political orator, marching sounds and loudspeakers. Originally it is a radio play, but can be staged. The orator talks to "his people", hesitates, changes a word, goes on, is interrupted by the clamor of the crowd, or by a band playing.
We understand then that our orator is rehearsing a speech, starting and stopping applause on tape. Is it the same for the music?, it is also started and stopped but at times seems to disobey. The marches themselves are skewed, arrhythmic, sluggish. When they are played separately from the play, the set is called: "Ten marches to miss victory".
The speaker daydreams, makes free associations, let the words drive his mind, creates words: "Pouvoir, pleuvoir, plouvoir..." "To have power, to rain, to powrain". Nothing surrealistic here, Kagel has a serialist mind, so when his dictator combines words he does it in a rather systematic way, with absurd results. No chance at play, the grotesque speech serves his critical purpose.
"Borders are open because they are closed!". "Who is not free? Let him denounce himself freely!".
Eventually this very comic speech reveals the objective of all dictators, to have absolute power, and an opposition in jail or anesthetized by their discourses.
"We don't humanright here!"
"We cultivate our ignorance because everything else is ideas! We don't want ideas! We don't want the masses to be influenced!"
The recording is from a French performance in Avignon around 1980. The speaker is Guillermo Gallardo.
The musicologist Björn Heile, who saw Kagel perform it in Darmstadt wrote: "it was magnificent, he could have become both an actor or a South-American dictator". He recorded it for Wergo, in German, as well as the band music.
Painting made for this post by Fabrice Sergent.

16 juin 2010

Un récital Mozart et Schumann par Ettel Sussman


Deuxième dans la série " Sortons de la naphtaline les chanteurs et les chanteuses oubliées"
Ettel Sussman.

Née probablement en Pologne, le 24 juin 1926, cette soprano a dû venir assez jeune en France car son français est parfait.
Elle faisait les tournées de concerts des Jeunesses musicales de France dans les années d'après guerre.
La photo ci-dessus, la seule que j'ai trouvée, provient de la revue des JMF, en 1952.
Elle était accompagnée par un pianiste, ancien prix de Rome, spécialisé dans l'accompagnement lyrique, il accompagnait en particulier Camille Maurane, Pierre Maillard Verger.
Elle a enregistré avec lui trois disques (à ma connaissance) pour la compagnie des JMF, le club national du disque, créé en 1954, outre celui-ci, un récital Fauré-Debussy-Ravel et les trois cycles de chansons de Moussorgsky, en français. Pour l'Oiseau-Lyre, elle enregistra en 1957 un récital d'airs "de Lully à Rameau". Elle apparaît aussi dans Le martyre de Saint Sébastien de Debussy enregistré par Inghelbrecht.
On la retrouve compositrice à Tel Aviv avec deux œuvres publiées en 1966 et 1967.
Elle y a enseigné le chant au Levinsky College of Education. Elle est décédée en 1998.
On trouve son prénom orthographié parfois Ethel.

Dans ce disque, elle compose un récital avec une moitié des lieder de Mozart, et un choix de lieder de Schumann. Sa voix est légère, elle ne s'aventure pas dans les lieder les plus dramatiques de Frauenliebe und Leben, ni ne chante "Als Luise die Briefe...." Mais je n'ai jamais entendu plus agile marchand de sable que Der Sandmann. Ce lied est infectieux comme disent les anglo-saxons. Écoutez-le une fois, il ne vous quittera plus.... Impossible de dormir!

Bref, un régal.




Le récital en flac

Le récital en mp3




Je sais que c'est un lieu commun que d'illustrer Schumann ou Schubert par des peintures de Caspar David Friedrich, mais franchement, je ne trouve pas plus approprié!

Les textes des chansons sont ici, avec leur traduction en français. Pour les autres langues, faites comme moi et allez voir sur l'indispensable The Lied and Art Song Texts Page

In our series about forgotten singers, even more forgotten then Max Meili, Ettel Sussman.
Born in Poland in 1926, she trained in France, toured in the fifties, emigrated to Israel, where she taught singing and composed, and where she died in 1998.
I know only of four recordings by her. Here is a selection of Mozart and Schumann lieder. She does not possess a dramatic voice, and does not try the most expressive songs, but her rendition of Der Sandmann, for example, is infectiously charming, and should deprive you from sleep once it is stuck in your head.
The original texts are here. Some translations can be found at The Lied and Art Song Texts Page

15 mai 2010

Iberia d'Isaac Albéniz, orchestré par Arbos, et dirigé par Toldra



Iberia. Le nom que les Grecs donnaient à ce pays dont ils ne connaissaient que quelques ports leur servant de comptoirs. Les Romains qui le conquirent l'appelaient Hispania. À la même époque, 1909, Debussy et Albéniz choisirent ce nom oublié pour représenter le caractère espagnol de leurs compositions.

Albéniz consacra les quatre dernières années de sa courte vie (il mourut à la veille de ses 49 ans) à composer douze pièces pour piano inspirées essentiellement par la musique, l'atmosphère et les paysages d'Andalousie. Douze "impressions nouvelles", en français, comme les indications de jeu, Albéniz les ayant composées en France où il vivait depuis une dizaine d'années, et qui portent des noms de lieux ou de danses.
Musicien de l'époque des nationalismes, il chercha l'émancipation de la tutelle de la musique italienne dans le retour aux racines populaires. Et comme Bartók, sans citer aucune mélodie populaire, il recréa un folklore imaginaire.
Pianiste virtuose, comparé à Liszt, et grand improvisateur, (comme on aimerait entendre ce qu'il joue
à sa fille Laura, à la maison, le cigare planté dans la bouche), il écrivit une musique complexe, très construite, et terriblement difficile à jouer... Il est désolant de constater qu'à de rares exceptions près, Iberia n'est joué que par des pianistes espagnols (ou sud-américains, comme Arrau et Barenboim) ou français, en particulier les élèves de Messiaen, qui leur faisait étudier "le chef-d'œuvre de toute la littérature du piano" en classe d'analyse. Cette musique géniale n'est pas encore rentrée au répertoire des pianistes un siècle après sa composition.

Debussy écrivit cet hommage à son collègue: "(...) retenons le nom de Isaac Albéniz. D’abord, incomparable virtuose, il acquit ensuite une merveilleuse connaissance du métier de compositeur. Sans en rien ressembler à Liszt, il le rappelle par l’abondance généreuse des idées. Il sut, le premier, tirer parti, de la mélancolie ombreuse, de l’humour spécial de son pays d’origine. (Il était catalan). Peu d’œuvres en musique valent : El Albaicin, du troisième cahier d’Iberia, où l’on retrouve l’atmosphère de ces soirées d’Espagne qui sentent l’œillet et l’aguardiente… C’est comme les sons assourdis d’une guitare qui se plaint dans la nuit, avec de brusques réveils, de nerveux soubresauts. Sans reprendre exactement les thèmes populaires, c’est de quelqu’un qui en a bu, entendu, jusqu’à les faire passer dans sa musique sans qu’on puisse s’apercevoir de la ligne de démarcation.
Eritaña, du quatrième cahier d’Iberia, c’est la joie des matins, la rencontre propice d’une auberge où le vin est frais. Une foule incessamment changeante passe jetant des éclats de rire, scandés par les sonnailles des tambours de basque. Jamais la musique n’a atteint à des impressions aussi diverses, aussi colorées, les yeux se ferment comme éblouis d’avoir contemplé trop d’images.
Il y a bien d’autres choses encore, dans ces cahiers d’Iberia, où Albéniz a mis le meilleur de lui-même, et porté son souci d’ « écriture » jusqu’à l’exagération, par ce besoin généreux qui allait jusqu’à « jeter la musique par les fenêtres ». Les autres compositeurs, sans dépasser Albéniz, marchent dans le même chemin, seulement, les influences d’Albéniz étaient très nettement françaises, elles semblent devenir allemandes, au moins dans la forme, chez ces derniers."

Albéniz orchestra une des pièces, n'en fut pas content et confia le soin d'orchestrer le reste à son ami, le violoniste Arbos. Ravel, qui avait eu l'intention d'en faire une musique de ballet, renonça car Arbos avait les droits exclusifs après la mort d'Albéniz. Il fut obligé d'écrire une danse espagnole de son cru, un boléro.

Arbos orchestra cinq pièces. Evocación, El Corpus en Sevilla, Triana, El Puerto et El Albaicín. Le compositeur Carlos Surinach orchestra plus tard les sept autres. Ici, l'orchestre des concerts Lamoureux dirigé par Eduardo Toldra le 9 décembre 1953 joue la version Arbos. (Deux mois plus tôt, Ataulfo Argenta enregistrait la même œuvre avec les concerts du Conservatoire, les orchestres français étant à l'époque préférés par les compagnies de disques aux orchestres espagnols de moindre réputation. Je suppose que les timbres et le jeu des instruments n'étaient pas très éloignés.)

Les extraits d'Iberia orchestrés par Arbos dirigés par Toldra en flac

Les extraits d'Iberia orchestrés par Arbos dirigés par Toldra en mp3

La peinture qui orne ce billet a été exécutée spécialement pour ce billet par Fabrice Sergent

12 avril 2010

Un concert du New Phonic Art vers 1976-77






Prenez un musicien qui joue de tout ce qui a une anche simple comme il respire, qui fait aussi respirer le bandonéon, sait où mettre les doigts sur le piano à l'occasion, et a joué avec tout le monde, du bal de village du pays basque à la salsa, de la musique contemporaine à Mozart et au free jazz.









Prenez ensuite un qui joue de tout ce qui a une embouchure, du trombone, son instrument officiel, au cor des Alpes. Le cor des Alpes, vous savez, une corne de plus de 3 mètres... En passant par un tas d'instruments exotiques ou anciens, bref, à embouchure, mais je ne jurerais pas qu'il ne touche pas à autre chose si besoin. Et la définition du besoin dans certaines circonstances est élastique.






Ajoutez un pianiste virtuose, qui maîtrise tous les modes de jeu, comme on peut le voir sur la photo.









Et enfin, un percussionniste qui tape sur tout ce qui peut résonner ou pas.






Appelons-les Michel Portal, Vinko Globokar, Carlos Roque Alsina et Jean-Pierre Drouet. Mil neuf cent soixante neuf, année chaotique. Ces quatre musiciens fondent un groupe dédié à la «musique de chambre contemporaine improvisée», et influence du free jazz oblige, lui donnent un nom anglais, le New Phonic Art.
Musique totalement improvisée. L'époque s'y prêtait: les compositeurs européens entrant dans la carrière au sortir de la guerre avaient poussé jusqu'à l'absurde les théories de Schönberg avec lequel aucun n'avait étudié, corsetant à l'extrême l'écriture. Une réaction était venue des États-Unis, introduisant de l'indéterminé, et donnant ainsi un rôle à l'interprète dans la création. Certains compositeurs européens le limitaient à choisir l'ordre des parties de l'œuvre, d'autres allaient plus loin, en offrant à l'interprète le choix de certaines durées par exemple. Ce qui n'allait pas sans poser de problèmes à des instrumentistes formés à un solfège plus strict... Bruno Maderna répondait ainsi à un violoniste qui demandait devant telle note combien de temps il devait la tenir: "Comme vous voudrez, une seconde, ... ou toute la vie...".
À la même époque, le jazz aux États-Unis sort de l'interprétation des standards et le premier disque "officiel" de free jazz, dû à Ornette Coleman en 1961, et portant le même nom, est sous-titré: improvisation collective. Pas de répétitions, pas d'entente préalable, le même principe que le New Phonic Art.
Cependant, la musique jouée par le New Phonic Art n'est pas du free jazz. Certes, à l'écoute de certaines pièces, la différence est ténue. Mais les membres du New Phonic Art n'ont jamais revendiqué d'en faire. Portal a monté deux ans plus tard son propre groupe, le Michel Portal Unit, avec parfois Drouet aux percussions, pour justement faire du free jazz.
L'improvisation fait appel à tout le savoir, le vécu, le joué, l'imaginaire, de l'improvisateur. Et cet imaginaire apparemment n'est pas le même quand on joue du jazz ou de la musique contemporaine. Une influence inconsciente. Comme un costume qui aide un acteur à se mettre dans la peau du personnage. Et s'ils ne se mettaient d'accord sur rien avant de jouer, ni ne commentaient après ce qu'ils avaient fait, ils jouent cependant ensemble, s'écoutent, réagissent, se surprennent.
Les musiciens de free jazz, américains ou européens, jouaient essentiellement de leurs instruments; les musiciens du New Phonic Art jouaient avec leurs instruments. Et avec de nombreux autres que l'on n'appelait plus exotiques mais extra-européens .
L'humour était une composante importante aussi, de même que le spectacle. Kagel, qui réfléchissait aux mêmes questions, développait à la même époque son théâtre musical, farci d'humour et de modes de jeux instrumentaux étranges.
J'ai assisté à un de leurs derniers concerts, et voir Globokar s'époumoner dans un cor des Alpes, en frappant du pied comme pour pomper, était déjà un spectacle. Portal avait apporté un lecteur de cassettes et montait tout doucement le son d'une conférence de Kagel. Grand éclat de rire quand le son de sa voix a fini par remplir la salle et parvenir aux oreilles des trois autres. Drouet jouait d'une boite de thé, produisant des claquements en enfonçant et relâchant les côtés de ces boites cubiques en métal. Alsina ne s'est pas couché dans le piano comme sur la photo.

Musique emblématique de cette époque qui est si loin de nous, pleine d'énergie, pleine de politique, d'utopie, de réflexion sur la création, pleine de fantasmes sur la création collective et l'expression individuelle.

Cette dialectique improvisation/écriture a été explorée par les deux compositeurs membres du groupe, Alsina et Globokar, dans des œuvres mixtes: "Überwindung" pour 4 solistes et orchestre et "Rendez-vous" pour 4 solistes, d'Alsina, et "Correspondences" pour 4 solistes de Globokar. Ne connaissant pas ces œuvres je ne peux qu'imaginer la tension improvisation écriture...
Créations instantanées et éphémères, disparues aussitôt que créées, mêmes celles qui ont partition. Seuls deux disques peuvent donner une idée de treize années de concerts. Non réédités, ils sont cependant accessibles grâce aux blogs... Celui publié par Deutsche Gramophone en 1974 (oui, pour les plus jeunes, il y a eu une époque où DGG ne se contentait pas d'enregistrer Chopin joué par de jolies filles), et celui publié en 1971 par Wergo. "Correspondences" a été lui aussi enregistré et se négocie d'occasion une fortune. Combien de concerts les archives des radios mondiales renferment-elles?
Dans une interview en 2005 (en anglais, retraduite par mes soins), Portal raconte ainsi la fin de l'aventure: "Mais finalement nous avons dû arrêter le groupe, parce que nous avions atteint les limites de ce qui pouvait arriver avec les personnalités des musiciens et avec l'ensemble. Comme c'était de l'improvisation pure, on pouvait dire ce que les autres allaient faire avant qu'ils ne le fassent. Un des musiciens était un gars triste, et il commençait toujours ses improvisations avec une plainte: "oooh, oooh, mmm ... "et je pensais toujours :"Je sais qui fait ça!". Quoiqu'il fasse ou que quelqu'un d'autre fasse, ça s'est toujours passé comme ça. Donc, c'était cuit. En outre, il était devenu commun d'intégrer de la liberté dans la forme écrite, comme un outil, et ça nous a paru plus sensé."

C'était vers 1985. Le SIDA était arrivé en Europe. La fin de l'insouciance des années 70.

Les deux extraits de concerts présentés ici proviennent d'un enregistrement (monophonique hélas! mon matériel de l'époque) diffusé par France Musique vers 1976 ou 1977.

Comme le dit Drouet dans une interview qui figure dans le deuxième extrait de concert: "La fatigue est un mot que nous ignorons!"

Le New Phonic Art en concert, en flac

Extrait d'un autre concert, en flac

Le New Phonic Art en concert, en mp3

Extrait d'un autre concert, en mp3



08 mars 2010

La sérénade op 24 de Schönberg, dirigée par Maderna




Arnold Schönberg, "révolutionnaire conservateur". Un des compositeurs ayant le plus le sens de l'histoire et de l'évolution en musique. Ayant tiré radicalement les conséquences de l'écriture chromatique de Wagner, où la tonique et la dominante, fondement de trois siècles de musique occidentale, ne dominent plus l'harmonie ni la construction des thèmes, il écrit une musique sans référence à la tonalité, qu'il dit être faussement qualifiée d'atonale. Schönberg se défend vigoureusement d'être un anarchiste ou un révolutionnaire: il s'agit là purement d'une "évolution, pas plus exorbitante que celles qui ont toujours parsemé l'histoire de la musique." Il lui apparaît évident que "sans une référence constante à une tonique, la musique est compréhensible, peut avoir du caractère et créer des ambiances, peut provoquer des émotions et n'est pas empêchée d'être gaie ou humoristique". De là, il se met à la recherche d'un nouveau moyen d'unifier la composition: ayant en 1915 commencé une symphonie dont "le scherzo consistait accidentellement de douze notes", il poursuit dans cette voie, et après les pièces pour piano op 23, il base un mouvement de sa Sérénade sur une suite de douze notes sans répétition. C'est la seule partie chantée, le mouvement central, un sonnet. Le baryton chante la même succession de douze notes, une note par syllabe, et comme ce ne sont pas des alexandrins, mais des vers de onze pieds, la dernière note se retrouve au début du vers suivant. Et ainsi de suite, en décalant. L'utilisation de la série sera dans les œuvres suivantes soumise à beaucoup plus de manipulations, du genre de celles en usage depuis Bach au moins, renversements, miroirs dans tous les sens, en écrevisse, etc.


Une sérénade, genre léger, des mouvements dansants, valse, pas dansés, une marche, et puis un menuet, des variations, une "romance sans paroles". Un choix d'instruments pour ce septuor inhabituel, une clarinette et une clarinette basse, et des cordes, violon, alto et violoncelle, et encore une guitare et une mandoline. Les instruments de la musique populaire viennoise, avec les cordes pincées pour alléger encore le mélange.

Le cœur de cette sérénade, le sonnet, est intriguant. Schönberg choisit un sonnet d'un poète du XIVème siècle, Pétrarque, dans une traduction en allemand, une forme très codée, fixée, lourde de siècles de tradition:

Puissé-je me venger de celle
qui regardant et parlant me détruit,
et puis se cache et fuit pour croître ma douleur,
me dérobant ses yeux si doux et si méchants.

Ainsi suce-t-elle en les consumant
peu à peu mes esprits las et dolents,
et sur mon cœur rugit-elle la nuit
comme le fier lion quand je devrais reposer.

L’âme, que Mort chasse de son asile,
me délaisse, et délivrée d’un tel nœud,
s’en va donc vers elle qui la menace.

Quelqu’une fois je m’émerveille bien,
pendant qu’elle lui parle et pleure et puis l’embrasse,
qu’à l’écouter son sommeil ne se rompe.



(Traduction inédite de Didier Marc Garin

Quand Schönberg aborde l'atonalité dans son second quatuor, il confie là aussi à la voix l'annonce du changement, sur un poème on ne peut plus contemporain, "Je ressens le vent d'autres planètes...". Ici, que veut-il nous dire en associant sa nouvelle méthode d'écriture avec ces gémissements d'amoureux désespéré?
Dans les quatrains se plaignant du cruel objet de son amour, Laure de Sade, qui, en digne aïeule du divin marquis, se dérobe à lui le jour, et la nuit le hante comme un démon cherchant à s'emparer de son âme, âme qu'il décrit dans les tercets en plein voyage astral?
Nous sommes bien éloignés de la sérénade de Don Giovanni ou même de celle, grotesque, de son propre Pierrot lunaire. Nulle séduction de belle à sa fenêtre ici.

Schonberg ne s'attarde d'ailleurs pas sur cette expérience de mort imminente et enchaîne avec une danse guillerette, et le finale débute par un pot-pourri de citations des précédents mouvements, "conférence des instruments sur ce qui devrait être joué à la fin de la sérénade" selon l'auteur.... Paradoxe de cette œuvre qui introduit la méthode de composition qu'il utilisera désormais, le dodécaphonisme, où aucune note n'a plus de poids qu'une autre, tout en reniant le principe de marche en avant, sans retour de thèmes, qu'il suivait jusqu'alors.

La Sérénade est ici jouée par le Mélos ensemble de Londres sous la direction de Bruno Maderna, un enregistrement des 27 et 28 mars 1961. Le baryton est John Carol Case.


De même que Maderna compositeur s'est présenté au disque avec sa propre Sérénade, la seule œuvre de Schönberg qu'il enregistrera (à l'exception des deux minutes quarante et une des "Trois petites pièces pour orchestre" de 1910), lui qui les dirigeait toutes en concert, sera aussi la Sérénade. Si un étudiant en musicologie veut bien faire sa thèse sur Maderna et les sérénades....


À noter que comme Schönberg utilise dans sa partition l'ancienne numérotation du Canzoniere pour le sonnet, 217, certains éditeurs discographiques fournissent une traduction erronée puisque le sonnet porte actuellement le numéro 256!

L'original du sonnet, la traduction allemande utilisée par Schönberg, et une traduction anglaise se trouvent dans la bibliothèque annexe.

La Sérénade de Schönberg dirigée par Maderna, en flac 

La Sérénade de Schönberg dirigée par Maderna, en mp3

Pour les amateurs de comparaisons, le blog "The music parlour" a publié la version dirigée par Mitropoulos en 1949.

06 janvier 2010

La deuxième symphonie d'Honegger par Ernest Bour



Hiver 1940-1941. Hiver de guerre, hiver dur, qui rajoute au malheur de la défaite la souffrance du froid. C'est le moment que choisit Honegger, Suisse installé à Paris et décidant d'y subir l'occupation avec les parisiens, pour honorer une commande de Paul Sacher (de 1936!): une symphonie pour le dixième anniversaire de son orchestre de chambre de Bâle.


Il l'écrit pour cordes seules. Comme beaucoup de compositeurs à qui Sacher a commandé des œuvres, bien que l'orchestre, créé pour interpréter la musique baroque, ait, je suppose, compté aussi des vents, des bois et des percussions.
Trois mouvements au lieu des quatre "classiques". N'étant ni Mahler ni Chostakovitch, Honegger a supprimé le scherzo, pas envie de rigoler ni de grincer.
(Ceci dit, il l'a supprimé de ses cinq symphonies, il n'avait apparemment pas envie de rigoler dans ses symphonies).

C'est âpre, c'est sombre, c'est intense, désolé, plaintif et vigoureux à la fois, ça rumine, toujours sur un fond ondulant, jusqu'au dernier mouvement, qui s'agite, en longues phrases, une mer de vagues qui fluent et refluent, ça voudrait avancer, mais on sent que quelque chose l'en empêche, jusqu'à ce que soudain vole au dessus de ces cordes une longue mélodie de trompette, aux notes égales, forte, qui entraîne l'orchestre à cisailler les accords finaux.
Ad libitum, dit le compositeur, ce qui est incompréhensible, on ne peut imaginer la symphonie s'achever sans ce choral qui l'empoigne et la soulève. Il signifie l'espoir de vivre autre chose, oui, certainement, mais dans cet enregistrement, fait onze ans après la fin de la guerre, la trompette n'est pas triomphante. Elle montre juste qu'autre chose est possible. Sa mélodie se rapproche, dans mon souvenir, de celle de la "Danse des morts" qu'Honegger écrivit quelques années plus tôt, quand la voix chante "Je sais que mon rédempteur vit".
Honegger se fit envoyer par la revue Comoedia à Vienne couvrir le festival Mozart, et en profita pour faire passer le manuscrit à Paul Sacher. Qui créa l'œuvre le 18 mai 1942. En France, c'est Charles Munch, lui aussi de longue date soutien du compositeur, qui en donna la première audition le 25 juin à Paris, lors du festival organisé pour les 50 ans d'Arthur. Et l'enregistrera aussitôt. Il en fera trois autres enregistrements en 33 tours.
- Et que l'on ne vienne pas me dire qu'Antoine Duhamel ne l'a pas écoutée avant d'écrire la musique de Pierrot le fou!


Cette version est celle enregistrée par Ernest Bour, à la tête de l'Orchestre du Südwestfunk de Baden-Baden, en février 1956.

L'illustration en haut de la page,
"Un coin de ciel couleur espoir",  a été peinte spécialement pour ce billet par Fabrice Sergent.


22 novembre 2009

Les loups, de Jacques Dufilho




Des loups, une cane, des paysans, non, nous ne sommes pas dans une adaptation de Pierre et le loup, ni chez La Fontaine ou Perrault, mais dans un sketch de cet auteur-interprète méconnu. Comme dans "le discours", il y a une référence à Prévert, mais plus parodique. Et le texte est aussi délirant sous son apparence de récit d'un paysan du XIXème siècle.

Les loups 


Le début du sketch filmé, gratuit, et entier, payant, se trouve sur le site de l'INA.


17 novembre 2009

Michel Portal, côté jazz, dans trois formations en 1984 et 1994






Neuf mois que ce blog existe, et Michel Portal n'y figure pas encore. C'est incompréhensible.
Je tiens les musiciens, compositeurs ou interprètes, pour des demi-dieux. Portal est compositeur, interprète, improvisateur. Vous imaginez son statut....
Clarinettiste dans la musique classique, de Mozart à la création, saxophoniste et bandonéoniste dans le jazz, multi-instrumentiste dans l'improvisation.
Les musiciens de jazz en France, dès le début des années 60, au contact des musiciens de free jazz américains exilés, se sont lancés à fond dans l'invention du free, sans référence aux standards.
En 1984, les belles années du free sont passées, Portal qui n'a eu que brièvement des groupes (qui peut me donner la composition du Michel Portal Unit? Il faudrait préciser le jour et l'heure...), rassemble quelques musiciens pour jouer avec eux, soit de vieux compagnons de toutes les luttes, soit des jeunes.

Comme toujours, il joue ses propres standards, les thèmes qu'il a composés, avec une grande part d'improvisation collective.
Transmis par France Musique, voici des extraits de trois concerts donnés dans trois festivals avec trois groupes différents en 1984 et en 1994.

Portal 1984 et 1994, en mp3

Portal au festival d'Angouleme juin 84 flac

Portal au festival de Nancy 12 octobre 94 flac

Portal Rituel africain 1984 et James 94 flac

Portal Nancy Ottavia 12 10 94 flac

Portal Nancy Pastor 12 10 94 flac

Il y a des erreurs dans les labellés des fichiers, les titres, formations et locations ci-dessous font foi, désolé.

27 octobre 2009

La première sonate pour piano de Charles Ives



Il y a un grand homme qui vit dans ce pays - un compositeur.
Il a résolu le problème de savoir comment se préserver soi-même et apprendre.
Il répond à la négligence par le mépris.
Il n'est pas obligé d'accepter la louange ou le blâme.
Il s'appelle Ives.

Schönberg a écrit ce petit poème, et l'a gardé dans un tiroir.

Ah! Non! C'est un peu court, Arnold!
On peut dire sur Charlie bien d'autres choses encor.

Il y a dans le Connecticut, dans le Connecticut,
Un homme qui a écrit avant moi des séries de douze sons,
De la musique polytonale et polyrythmique avant Stravinsky et consorts,
Qui a inventé des accords qui ne sont pas dans mon Traité d'Harmonie, des clusters!,
Qu'on fait avec l'avant bras posé sur un clavier, ou même à l'orchestre!,
Qui a fait des collages sans intention de parodie,
Qui est même sorti du système bien tempéré en écrivant pour quart de ton,
Qui n'a pas harmonisé savamment des chants populaires mais les a intégrés dans une musique savante.
Un musicien chez qui musique vivante ne veut pas dire jouée par de vrais instrumentistes et non par un diamant dans un sillon de laque ou de vinyle, mais un organisme qui naît, se développe, crie, grouille, part dans tous les sens, s'affirme, puis ralentit et s'éteint.


La vie selon Charlie, immédiatement reconnaissable.
Pas besoin d'être né aux États Unis au XIXème siècle, pas besoin d'avoir chanté avec le chœur de garçons dans l'église de Danbury, Connecticut, les hymnes qui prolifèrent dans ses œuvres.
Pas besoin d'avoir repris les airs patriotiques et les airs à la mode que l'on jouait au kiosque de Danbury, Connecticut, sous la baguette de son père, George.
Pas besoin d'avoir dansé sur des ragtimes pour les entendre au milieu du brouhaha de la rue au delà de Central Park, la nuit.
Pas besoin, non, la vie de l'Amérique du début du dernier siècle dans la stylisation de Charles Edward Ives se reconnaît comme vie tout court.



La première sonate
pour piano (de deux) est comme beaucoup d'œuvres un assemblage de parties composées sur plusieurs années, et retravaillées plus tard. La base du premier mouvement est une pièce pour orgue de 1897, le reste s'étale entre 1901 et 1917.

Sur le manuscrit Ives a écrit :

« De quoi s'agit-il?
Essentiellement de la vie en plein air des fermiers du Connecticut des années (18)80-90.
Impressions, souvenirs, réflexions des paysans de la campagne du Connecticut.
Le père de Fred était très excité et a hurlé quand son fils a frappé un joli coup et l’école a gagné le match de baseball.
Mais tante Sarah fredonnait toujours la chanson « Où est mon fils le voyageur ? » après que Fred et John aient quitté la maison pour travailler à Bridgeport.
Il y avait habituellement de la tristesse
mais pas aux bals de campagne, avec leurs gigues, sauts et danses irlandaises, surtout les nuits d’hiver.
L’été, les hymnes étaient chantés à l’extérieur.
Les gens chantaient (comme Ole Black Joe) – et le Bethel Band (pas redoublés, marches)
Et les gens aimaient dire les choses comme ils avaient envie, et faire les choses comme ils le voulaient, à leur manière à eux.
Et les vieux, il y avait des sentiments et de la ferveur spirituelle! »

Ives résume ensuite les ambiances : « La famille ensemble dans le premier et le dernier mouvement, dans les ragtimes: le garçon au loin semant l’avoine, et l’anxiété des parents dans le mouvement central ».

De la musique à programme, donc... si on veut. La photographie en haut de ce billet (Barcelone 2008, Muriel Pérez) exprime cette animation joyeuse que j'entends dans cette sonate malgré le sombre résumé fourni par l'auteur.

La sonate, en 5 mouvements, a été créée à New York le 17 février 1949 par William Masselos. Quarante ans après sa complétion. Normal pour Ives. Qui n'a jamais su l'admiration que lui portait son collègue, même si le Viennois admire ici son attitude.
Ives avait en effet un avantage sur Schönberg, qui ne savait rien faire d'autre que de la musique. Il avait fondé une compagnie d'assurance prospère. "Père pensait qu'un homme pouvait garder son intérêt pour la musique plus fort, plus propre, plus grand et plus libre, s'il n'essayait pas d'en vivre. S'il a une femme et des enfants qu'il aime, comment peut-il laisser ses enfants mourir de faim sur ses dissonances? Répondez si vous pouvez!".

Un critique notait à la création: « Il y a là de la musique pour 6 sonates! ». Un autre y voyait l'influence de Dada...

La sonate, divisée par ma faute en quatre morceaux au lieu de cinq, interprétée par Noël Lee, pianiste américain vivant en France, se trouve ici, dans un enregistrement des années 70:

Charles Ives Première sonate Noel Lee (mp3)

Charles Ives Première sonate Noel Lee (flac) Premier mouvement

Charles Ives Première sonate Noel Lee (flac) Deuxième mouvement

Charles Ives Première sonate Noel Lee (flac) Troisième mouvement

Charles Ives Première sonate Noel Lee (flac) Quatrième mouvement

05 octobre 2009

Mare nostrum, de Mauricio Kagel



Voici un an que l'auteur de la "Passion selon saint Bach" a rejoint le saint patron des musiciens. Cioran ne disait-il pas: "S'il y a quelqu'un qui doit tout à Bach, c'est bien Dieu"?
Né en Argentine un soir de Noël de parents russes récemment émigrés, il a mis sa fertile imagination au service du spectacle de la musique. La musique en tant que spectacle, le théâtre de la musique qui se fait. Et le théâtre où l'on chante.
"Mare Nostrum" appartient à cette dernière catégorie. Créé en 1975, ce théâtre musical est sous titré: "Découverte, pacification et conversion de la Méditerranée par une tribu amazonienne".
Comme pour toutes ses œuvres, Kagel, qui a étudié la littérature avec entr'autres Borges, ("Mare nostrum" est l'une de ses douze œuvres à avoir un titre latin), participé à la fondation de la cinémathèque de Buenos Aires, étudié plusieurs instruments, en a écrit le texte, la musique, assuré la mise en scène, et dirigé l'exécution.
"Mare nostrum", "notre mer", c'est ainsi que ces impérialistes de Romains appelaient leur mer intérieure, au fur et à mesure de leur conquête de ses rivages.
Kagel a toujours mis son immense humour à démonter les codes des spectacles musicaux de la tradition occidentale, l'opéra, surtout, mais aussi le rôle du chef d'orchestre, l'héritage des siècles, et même l'utilisation de la musique par les politiques (le Tribun, à venir!). Les années 70 étaient propices aux remises en cause et "Mare nostrum" s'intéresse à la colonisation de l'Amérique latine. En la retournant.


Lors de la création française, Maurice Fleuret, le critique du Nouvel Observateur, défenseur de la création musicale, écrivait ceci:

Maître désormais dans l’art du degré second, du détour, de la déviation et de la distance, il peut enfin aborder maintenant le théâtre de récit, sans craindre d’avoir à sacrifier la substance proprement musicale. « Mare Nostrum », créé il y a quelques semaines à Berlin et repris au musée Galliera par le festival d’Automne à Paris, raconte de manière strictement linéaire « la découverte, la pacification et la conversion de la Méditerranée par une tribu d’Amazonie ». Six instrumentistes entourent un grand bassin rempli d’eau qui reproduit les contours de la Méditerranée. A chaque extrémité, le baryton (John Bröcheler), bon sauvage, cruel et naïf, du nouveau continent, et la haute-contre (John Patrick Thomas), héritier plus ou moins dégénéré des traditions portugaises, espagnoles, françaises, italiennes, grecques, turques et levantines. Un dialogue presque continu, parlé ou chanté, dans la savoureuse traduction de Maryse Eloy, va accumuler citations, allusions, associations, permutations et contrepèteries en un délire verbal hautement contrôlé mais toujours naturel. De l’humour le plus subtil au gag le plus brutal, cette parodie d’épopée coloniale à l’envers est jalonnée d’intermèdes et de commentaires musicaux poétiques ou franchement désopilants comme, par exemple, cette manipulation délicieusement irrespectueuse de la « Marche turque » de Mozart, éblouissant exercice de style entre tous. Et tout s’achèvera par le strip-tease intégral de la haute-contre qui devient femme arabe voilée, jetée dans l’eau du bassin pour être poignardée par l’aveugle conquérant. Les religions, les cultures, les gouvernements et même les formes les plus discrètes d'impérialisme et de répression sont égratignés ici avec un merveilleux raffinement de cruauté. Mais aucune idéologie précise n’émerge du massacre. Et l’on sort de ce spectacle, à la fois sophistiqué et populaire, comme d’un atroce cauchemar de découragement. Le désespoir de Kafka habite le rire grinçant de Kagel.

La version ici est celle du Festival d'Avignon, 1976, avec les mêmes interprètes, noter le jeu de mots vers la fin sur "se kaglamenter", le nom de Kagel étant proche du verbe Klagen, se lamenter, en allemand (celui de "Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen", la cantate BWV 12 de Bach).
La retransmission radiophonique était commentée en direct, je n'ai pas pu faire grand chose.

Mare nostrum, en flac

Mare nostrum en mp3

27 septembre 2009

Communiqué



Pour les réfractaires au format flac, l'adagio et rondo K 617 est désormais aussi disponible en mp3.
La version mp3 du quatuor de Roussel (1957, enregistré pour la radio par le quatuor Pascal) a été remplacée par une version mp3 de meilleure qualité, et un fichier flac a été ajouté. Rappelons que la plupart des logiciels de gravure peuvent graver les fichiers flac sans les convertir au préalable. Vous pouvez donc graver les fichiers téléchargés et en faire un CD jouable aussi bien dans la voiture qu'au salon....



Pour comprendre ce que vient faire ici cette illustration, il est nécessaire de l'agrandir en cliquant dessus, de manière à lire les inscriptions sur les portières.

28 août 2009

Fernand Raynaud: "Les œufs pas cassés" & "Deux croissants"



En vingt ans de carrière, cet humoriste mort à 46 ans a réussi à faire passer dans le langage courant un legs d'expressions dont il est sans doute déjà oublié qu'il en est l'auteur.
L'après-guerre a été riche en humoristes, les salles de spectacles et les cabarets leur offrant suffisamment d'occasions de se produire en scène.
Fernand Raynaud, c'est un comique traditionnel, comique troupier, lui qui avait 13 ans en 39, au début de sa carrière, puis comique d'observation dans ses sketches sur la vie de famille ou à l'usine, souvent des dialogues, avec une chute. Peu de problèmes sociaux, un reflet indirect des Trente Glorieuses, quand le chômage n'existait pas et que le Parti communiste existait.
Un monde disparu. Qui ferait rire de nos jours avec ces sketches?
Pourtant....
Les œufs pas cassés.... Je me demande si les crémiers vendaient vraiment des œufs cassés.


"Les œufs pas cassés" & "Deux croissants" en flac

"Les œufs pas cassés" & "Deux croissants" en mp3

08 août 2009

Le Capriccio de Stravinsky par Carlos Roque Alsina et Ernest Bour


Avec une femme, quatre enfants, et une maîtresse à nourrir, sans compter des goûts de luxe, Igor Stravinsky était toujours à court d'argent. Installé sur la Côte d'Azur dans les années vingt, il avait donc entrepris d'ajouter aux revenus du compositeur, d'abord ceux du chef d'orchestre, puis ceux du pianiste.
Sans aller toutefois jusqu'à imiter la pratique du XVIIIème siècle, quand Mozart dirigeait ses concertos du piano.
Il commença par transcrire pour piano mécanique (le Pleyela de la maison Pleyel) les ballets qui avaient fait sa gloire.
Bon pianiste lui-même, il en enregistra certains sur les rouleaux perforés, soucieux d'utiliser toujours la technologie de pointe pour laisser une référence d'interprétation de son œuvre. Cependant, ces rouleaux ne sont pas ceux des pianos mécaniques de western, qui jouent tous seuls à la première bagarre de saloon, ils nécessitent l'intervention humaine, pour le rubato, les nuances, la dynamique.
Dès que l'enregistrement électrique remplaça l'enregistrement acoustique (celui où tous les musiciens jouent devant un grand cornet), Stravinsky signa un contrat avec "la grande Compagnie du Gramophone Columbia, pour enregistrer exclusivement mon œuvre, tant comme pianiste que comme chef, année après année. Ce travail m'intéressa beaucoup, car, beaucoup mieux qu'avec les rouleaux perforés, j'étais à même d'exprimer toutes mes intentions avec une réelle exactitude. En conséquence, ces disques, techniquement excellents, ont l'importance de documents qui peuvent servir de guides à tous les exécutants de ma musique. Malheureusement, très peu de chefs en profitent."
Curieusement, il a continué à tenir ce discours au fil de ses ré-enregistrements des mêmes œuvres, au fur et à mesure de l'évolution de la technique, jusqu'à son intégrale en stéréo des années 60, un demi-siècle après la création de ses grands ballets d'avant 14.
Le chef d'orchestre Koussevitzky lui ayant suggéré de créer lui-même son concerto pour piano et instruments à vents de 1925, Stravinsky se remit donc au piano, pratiquant avec délices les études de Czerny. Jouer avec un orchestre n'est en effet pas la même chose qu'enregistrer en studio des bandes de piano mécanique...
Malgré le trac, il semble avoir pris du plaisir à tourner en Europe et aux Etats-Unis, avec les chefs les plus célèbres pour l'accompagner.
"J'ai travaillé à mon Capriccio tout l'été (1929, à Echarvines, en Savoie) et l'ai terminé à la fin Septembre. Je l'ai joué pour la première fois le 6 Décembre à un concert de l'Orchestre Symphonique de Paris, sous la direction d'Ansermet. On m'avait si souvent demandé toutes ces dernières années de jouer mon concerto pour piano et instruments à vents (ce que j'avais fait une bonne quarantaine de fois), que je pensais qu'il était temps de donner au public une autre œuvre pour piano et orchestre. (Trop aimable, Maitre!)
C'est pourquoi j'écrivis un autre concerto, que j'ai appelé Capriccio, car il me semblait que ce nom convenait le mieux au caractère de la musique. J'avais à l'esprit la définition de Praetorius, qui en faisait un synonyme de fantaisie, c'est-à-dire une forme libre faite de passages instrumentaux fugués. Cette forme me permettait de développer ma musique par juxtaposition d'épisodes variés se faisant suite et de par leur propre nature donnant à la pièce cet aspect de caprice qui lui donne son nom"
.
Le retour au classicisme amorcé depuis quelques années déjà, ce concerto se place sous le double parrainage de Carl Maria von Weber et de Jean Sébastien Bach. Le romantisme et le baroque allemands. Rien de classique au sens de style musical.
Weber, que Stravinsky avait connu d'abord par le Freischutz, (dirigé à Prague par Alexander von Zemlinsky, le beau-frère de Schönberg) et qu'il admirait fort, connaissant toute son œuvre pianistique, et dont il disait que les sonates l'avaient envoûté pendant l'écriture du Capriccio, allant jusqu'à lui fournir, outre le titre, une formule rythmique particulière. Bach, pour l'atmosphère que donnent les bois surtout dans le second mouvement, et les canons un peu partout. Le staccato bien détaché de certains passages, sans pédale, pourrait aussi bien être joué au clavecin.
Stravinsky enregistra avec Ansermet et l'orchestre Straram le Capriccio dès l'année suivante.
Ici, c'est une version de concert, le 12 novembre 1975, Ernest Bour dirige l'Orchestre Philharmonique de Radio France et accompagne Carlos Roque Alsina.


I. Presto
II. Andante Rapsodico
III. Allegro Capriccioso

Le Capriccio en mp3

L'illustration est une gouache exécutée spécialement pour ce billet par un artiste de 20 ans, François Brasdefer.
Elle s'intitule "Ils disent que le diable est dans les détails".


07 août 2009

Le Motet "In Ecclesiis" et la Canzone primi toni de Giovanni Gabrieli dirigés par Maderna

Les Gabrieli, l'oncle et le neveu, Monteverdi, Vivaldi, Malipiero, Maderna, Nono, une lignée de compositeurs vénitiens, avec certes un creux au XIXème siècle.
Maderna n'était pas un de ces adeptes de la table rase qui sévissaient en Allemagne ou en France dans l'immédiat après-guerre. Il avait gagné sa vie d'étudiant en préparant des éditions modernes de Vivaldi et, à la tête d'un groupe d'étudiants que lui avait confiés Malipiero, « fouillait à la Biblioteca Marciana, dans les manuscrits musicaux originaux, dans les Traités de composition, dans les premiers imprimés de musique (réalisés par Ottaviano Petrucci à Venise dès 1501) pour pouvoir étudier historiquement et sur les documents originaux l'évolution de la musique européenne. Nous en apportions à Malipiero les fruits concrets (transcriptions en notation moderne, instrumentations comme celle de l'Odhecaton A, études composées par nous-mêmes dans les différents styles). » (L. Nono). Cet Odhecaton A sera d'ailleurs sur une face du premier disque enregistré par Maderna.
Luigi Nono continue: « Nous vivions alors dans une véritable ambiance de "boutique" artisanale de musique, où l'intelligence pénétrante de G.F. Malipiero, son expérience érudite et son humeur pleine d'entrain s'unissaient au talent que possédait Bruno pour découvrir la musique comme un objet toujours nouveau et pour nous la faire étudier comme un objet toujours vivant. »

Nono appelait les Gabrieli des « hommes-musiciens » et leur reconnaissait une influence décisive sur son œuvre tout comme la rencontre de Scherchen ou de Maderna.
En 1970, il écrivait à Malipiero qui venait de lui envoyer une nouvelle édition des œuvres de Giovanni Gabrieli, qu'il en "avait retiré non seulement un véritable enthousiasme, mais aussi de nouveaux enseignements, matériaux sonores, nouvelles lois de composition en enveloppes harmoniques, et non plus linéaires en contrepoint, expression et invention spatiale du son, usage acoustique et musical du texte..."

Les Gabrieli, ces deux musiciens du XVIème siècle, élèves de Roland de Lassus, organistes à Saint Marc de Venise, écrivaient une musique adaptée au lieu: les instruments ou les chœurs placés dans les loges opposées de chaque côté de la croisée du transept se répondent, en écho ou en dialogue. Berlioz reprendra cette idée de la division spatiale des groupes instrumentaux dans le Tuba mirum de son Requiem, à Saint Louis des Invalides.

Maderna s'est tellement inscrit dans la lignée de la musique occidentale qu'il ouvre sa Composizione n° 2 de 1950 avec l'épitaphe de Seikilos, un morceau de musique grecque du IIème siècle de notre ère. Il connaissait d'ailleurs si bien la musique du passé qu'André Boucourecheliev raconte qu'il improvisait du contrepoint franco-flamand au tableau noir durant les cours d'été de Darmstadt.
Le travail d'orchestration l'a accompagné toute sa vie, si celle d'« In Ecclesiis » (de 1615) date de 1966, et a été publiée, il semble qu'il ait orchestré mais non publié plusieurs autres œuvres de Gabrieli.
Le motet « In Ecclesiis » pour deux chœurs, avec solistes, orgue et deux groupes d'instruments à vents se trouve ainsi jouable par un grand orchestre symphonique, type XIXème siècle, et la version qu'en donne Maderna, solennelle et jubilatoire, est bien dans cette tradition. Une orchestration comme celles que Schönberg faisait des chorals de Bach, à l'opposé de l'orchestration "webernienne" du Ricercare de l'Offrande musicale par Anton Webern. Il est intéressant de voir comment un chef plus jeune, Antonio Pappano, avec les acquis du mouvement baroqueux (qui ne s'est pleinement développé qu'après la mort de Maderna), fait sonner une autre Canzone a tre cori), dans l'orchestration madernienne (1972), d'une manière bien différente, plus proche de nos nouvelles habitudes auditives.
Ici, ces deux œuvres de Giovanni Gabrieli, "in Ecclesiis" et la "Canzone primi toni", sont dirigées par Maderna en 1971 (il ne s'agit pas de la version publiée par Arkadia).

Canzone primi toni en flac

"In Ecclesiis" en flac

"In Ecclesiis" en mp3

Canzone primi toni en mp3

02 août 2009

Ma conscience et moi


Mon attention a été attirée sur les violations des lois divines et humaines que je commettrais en diffusant des œuvres hors du domaine public.
J'ai consulté plusieurs oracles, tous d'accord, ou presque, avec cette proposition.
J'ai donc sorti ma conscience de la valise où je la garde, suivant l'exemple du Père Ubu, et l'ai interrogée.
Elle m'a expliqué que je ne lésais personne, au contraire. N'offrant aux foules (modestes, à peine plus de 90 chargements de la musique du film Muriel) que des musiques introuvables ailleurs, sous cette forme en tous cas, je ne porte ombrage ni aux auteurs, ni aux éditeurs. Quand un ayant-droit s'avisera de publier "officiellement" les quatuors de Beethoven par le quatuor Pascal ou la sérénade de Maderna par son créateur, je me ferai une joie de remplacer le lien vers l'hyperespace où repose mon fichier par une incitation à les acheter dans les lieux prévus à cet effet.
Après s'être raclé la gorge, elle a ajouté que l'on pourrait même prétendre que mon action rendait service aux dits ayant-droits.
En ressortant de la naphtaline Max Meili ou bientôt Ettel Sussman, ou le trio Pasquier, l'intérêt éveillé pour ces grands artistes va conduire le public de mon blog à chercher les autres enregistrements de ces mêmes artistes et à se ruer pour les acheter, enfin, s'ils existent...
Outré de cette réponse, je fis rentrer à nouveau ma conscience dans sa valise.